ECRINS


ECRINS


 © PATINET THIERRI ERIC



UN CHANT D’AILLEURS
 
 
Prélude
 

La nuit dense se livrait, en pâmoison, au sérail des étoiles et de leurs luminescences fragiles.
 
Dans l’ombre, un scintillement, éclos de l’horizon, mémoire de leurs portiques ouvragés, vint cette féerie de floralies, dans la nue cendrée,  liant l’éternité au présent. L’Onde de la mémoire de l’Avenir et de ses masques fertiles qui rompent les Ordres du chagrin, levait sa moisson à la puissance propice.
 
Du signe embelli, l’ivoire nous donna ce chant que l’Éden porta miroir par la jeunesse, et notre Cœur en garda la félicité comme, sève de parchemin, l’enseignement…

 


La quête amoureuse

 

 

«  Tirios …
Planète oubliée, planète de recueillement. Son Peuple attend avec impatience le retour de son Roi. Monk III.
 
Nephta, son épouse, est inquiète. Elle s’en remet aux Dieux créateurs de la Race afin que son époux soit sauf.
 
Drapée de blanc, l’Assemblée des Dieux préside pour Nephta, dans l’éclat vif et rouge des soleils tirosiens.
 
Elle se remémore le départ du grand Roi… »


 
 
 

 
( ... La plaine multicolore vibre sous chaque caresse du vent, à chaque mot, à chaque phrase, un souffle agite les vêtements voilés des Acteurs. L’Assemblée siège au milieu d’une vallée; celle-ci surplombe des mers dont les flots vainqueurs se déversent sur une plage couverte de coquillages mystérieux. À la fois tendre et tragique, le mugissement du Chœur emplit l’espace de sa lyre magique...)

 
 


Scène I
 
Le Chœur, le Coryphée, Nephta, les Dieux
 
Le Chœur
 
Existe-t-il sur cette planète des nuages
Mordorés ?
Existe-t-il sur cette planète un soupçon
De Liberté ?
Dieux ! Répondez à nos questions !
Dieux ! Calmez nos ambitions !
Dieux ! Martyres, Divinités, Puissances,
Dieux ! Symboles de notre croyance !
Satisfaisez notre Prière, notre abandon !
Quand reviendra donc l’oiseau de fer,
Quand reviendra donc sur notre Terre,
Notre Roi, Monk III,
Notre foi, Monk III ?
 
Nephta
 
Il m’avait pris pour Femme,
Je pourvoyais à ses désirs,
Ivre de flammes,
Je ne rêvais pour lui que de plaisir.
Parti aux confins de l’immensité,
Mon Mari, votre Roi,
Au nom de la Liberté,
Agit en vainqueur pour votre Foi.
Cela fait maintenant six décennies,
Cela fait maintenant des millénaires,
Cela fait maintenant toute une Vie,
Que, digne de ses Pères,
Il m’a abandonné,
Il vous a abandonné !
Je suis sa Femme,
Et me permet de le juger.
Lors, fière Dame,
En ce royaume aimé,
J’invoque la toute-puissance
De votre jugement,
De l’ensemble de vos sens,
Ô Responsables du firmament !
Femme d’un Roi,
Femme d’un Tiriosien,
Femme d’une Foi,
Il me faut bien
Ce jour implorer
Votre grandeur, pour tout un Peuple,
Oui
Ô Divinités,
Car votre délivrance ne peut naître que dans un cri !
Les larmes qui coulent de mes yeux scintillent,
Elles flamboient pour notre maison abandonnée,
Ô Dieux, aidez-nous à retrouver notre Roi aimé
Que vos yeux enfin se dessillent ! ...
 
 
Le Coryphée
 
C’était-il y a bien longtemps,
Bien avant cette Assemblée,
Monk III décidé à courir le Temps
Parti dans l’Univers enivré,
Nephta, son épouse fidèle,
L’approuvait, l’admirait,
Car choisie, entre les plus belles,
Elle l’aimait !
 
Le Chœur
 
Sur un blanc navire
Aux lignes multiformes,
Sur un Océan de cire,
Il partit aux pays des Licornes …
 
Le Coryphée
 
Sur la plage déserte,
Son armée s’est oubliée,
Laissant le Peuple sous un vent de disette,
Un vent âcre qui ne connaît point l’Été !
Les fleuves se sont taris,
Le Peuple n’a plus de goût
Pour les charmes de la Vie,
Ce vent a tout transmué en dégoût
Immuable, comme l’arbre.
Le flot rageur s’est emparé
De la solitude de ce marbre
Pour ne plus s’abîmer
Dans l’ennui et la mélancolie …
Le Peuple pleure, Nephta est veuve,
Dans son petit nid,
Se blottit Diana, la Neuve …


 
 
 


QUI ÉTAIT JULIEN VALTI ?


Les faits.

 
  
 

Le 22 novembre, lors des heures brumeuses, la voiture de Julien s’écrasait contre un arbre, sur la nationale 8 menant à Rome. De la carcasse métallique, on retira son corps sans vie. L’enquête effectuée par le commissaire Andréi démontra qu’il s’agissait d’un pur accident.
 
Le 9 juin de l’année suivante, le frère de Julien, Paolo Valti, déposait une plainte contre X, pour assassinat, sur le bureau du juge Marchetti.
 
Trois ans plus tard, à la veille de l’éclatement de la vérité sur cette affaire, Marchetti prenait contact avec le journaliste Sergio Blanci du quotidien le Rondo. Il l’invitait dans sa villa pour lui présenter ses conclusions définitives. Lors de ce rendez-vous, la villa fut entièrement rasée par une explosion, son contenu livré à la proie des flammes et réduit en cendres.
 
Blanci, en retard à ce rendez-vous, ne put que constater la destruction de la villa. À l’aube, la police nationale découvrait, dans la forêt proche du sinistre, le cadavre du juge : il avait reçu trois balles dans la nuque. Quelques heures plus tard, on apprit le «suicide» de sa secrétaire, Mania Teltana.
 
Obstiné, Blanci, entreprit la fouille des décombres de la villa du juge ; il en rapporta une liasse de feuillets dactylographiés à moitié calcinée qu’il livra à la presse immédiatement. Vingt-quatre heures après on le retrouvait pendu à la fenêtre de son studio …



Le Document.

 

 

Paolo Valti. : Frère du défunt, trente ans, homme raffiné, de grande culture, artiste peintre de haute renommée, apolitique, auteur de la plainte contre X pour l’assassinat de Julien Valti.
 
Q : - Qu’est-ce qui vous fait penser que votre frère Julien a été assassiné ?
 
R - Je ne saurais le dire verbalement, mais ce dont je suis certain c’est que Julien n’est pas mort naturellement. Les rapports d’experts ont démontré qu’il était ivre au moment de l’accident, or il ne buvait jamais... Je ne pourrai étayer mon affirmation, je ne le puis, mais je peux vous soumettre une solution : si Julien a été tué, c’est uniquement pour des raisons politiques.
 
Q : - Parlez-moi de votre frère, de sa vie en général, de ses occupations.
 
R : - Julien était plus jeune que moi, il était beau, grand, mais ce qu’il reflétait avant tout c’était sa grandeur d’âme. Elle l’auréolait. De sa jeunesse je garde un très bon souvenir, car il me complétait. En cela je m’explique : il avait le goût de la sim­plicité et une grande sensibilité. Très tôt, il s’est intéressé aux problèmes majeurs de notre Univers, et toute sa vie aura été fondée sur cet intérêt qui rejoignait le désintéressement le plus complet lorsqu’il s’agissait pour lui de prendre position dans ce qu’il avait créé. Socialement, il représentait la joie de vivre pour qui savait le comprendre, l’anarchie pour qui ne l’écoutait pas. Il avait l’esprit du futur et je crois que c’est à cause de cela qu’il s’est perdu. Politiquement, c’était un lutteur mais pas au sens habituel du terme, il voulait changer les structures de ce monde sans toucher aux valeurs traditionnelles, il voulait rendre à ces dernières leur juste sens, c’est pour cela qu’il s’est inséré très vite dans l’ivraie politique.
Il a goûté de tous les partis, recherchant en chacun d’eux son Idéal, puis brusquement il a cessé de les suivre pour les combattre, car il s’était rendu compte que le jeu qu’ils menaient à travers les idéologies n’était pas le sien. En voulant créer sa propre idéologie, en déclarant la guerre à ses amis d’hier, non une guerre violente mais une guerre de conviction, il s’est fait des tas d’ennemis qui en façade le traitaient avec gentillesse mais qui sous le manteau le reniaient à jamais. Il avait énormément d’occupations, sa soif de justice le menait dans tous les milieux. Au début de sa vie active, il occupait un poste à Paris dans une grande entreprise comme attaché aux relations publiques. Puis, les événements internationaux ont éclaté. Par amour pour la révolte qu’il croyait être le fondement du renouveau. Tout laissait à penser qu’un vent nouveau se levait à cette époque. Il prit parti et c’est ainsi qu’il stigmatisa son imaginaire dans le réel. Il suivit la foule et se mêla à elle jusqu’à ce qu’enfin il puisse lui parler. Cette année-là devait le marquer à jamais. À la Sorbonne, il exposa ses théories, il fut acclamé. Il fut aussi conspué. Quelle importance ! Les lettres qu’il m’envoyait à ce moment-là me disaient qu’il se souciait peu de ses détracteurs. J’avais peur pour lui, car je voyais les événements petit à petit se tasser pour faire place à l’oubli. J’avais raison. C’est alors qu’il fut arrêté en pleine débâcle, puis refoulé à nos frontières. Là, je le retrouvais encore tout tremblant de la force qu’il avait déployé mais surtout surpris par le renoncement par trop facile des gens qui l’avaient suivi. L’indignation se lisait sur son visage. J’ai compris à cet instant que la lutte serait le but de sa vie. Il n’avait plus d’argent, je lui trouvai un emploi comme agent de personnel dans une entreprise commerciale. Il y resta deux ans, tranquille, en surface seulement, car il menait une double vie ce que je perçus bien vite. Sous des noms d’emprunt, il écrivait dans une revue marginale. Ses écrits étaient explosifs, tout y passait !
Il restructurait la société, il remplaçait les ronces par des prairies. C’est de là que naquit sa philo­sophie. Il était Universaliste et son combat pour la Paix allait commencer. Un jour il vint me voir pour m’exposer ses théories. Magnifiques et réalisables, elles étaient. Je lui proposais d’écrire un livre, il le fit. Ne trouvant pas d’éditeur il décida de partir à l’étranger. Je lui prêtais de l’argent et il s’envola vers les États-Unis. Cette période de la vie de mon frère m’est très peu connue. Je sais qu’il prit une part active à certains mouvements et qu’il fut de nouveau sur le point d’être extradé. Il ne dut son sursis qu’au père d’Helena qui l’admirait tout comme sa fille qu’il épousa plus tard. Lors de l’invitation qu’il m’adressa pour son mariage, il me communiqua un exem­plaire de l’ouvrage qu’il avait écrit et qu’il avait fini par faire éditer. Il me révélait que ce livre n’avait que peu de succès, ce que je compris fort bien, car à mon avis, il draine trop d’idées forces qui ne peuvent qu’être méconnues par le public. Aux festivités, je rencontrais ma belle-sœur ainsi qu’un Julien transformé par l’amour. Il rayonnait de sérénité. Ma mère en fut heureuse. Nous les quittâmes alors qu’eux-mêmes partaient pour leur voyage de noces. Je restais sans nouvelles pendant quelque temps puis Julien m’apprit qu’il avait obtenu un poste à Vienne. Une année de joie s’écoula alors. Brève accalmie fut-elle ! ... Julien fut prié de démissionner de son poste à la suite d’événements internes. De nouveau sans argent, et ne voulant pas en demander à ses beaux-parents, Helena et lui vinrent s’installer chez moi. Julien m’expliqua alors les raisons de son renvoi : il avait refusé d’appliquer certaines dispositions du règlement de l’entreprise concernant les conditions de travail car elles allaient contre les plus élémentaires consignes de sécurité. Ce règlement désuet méritait à son avis d’être revu et corrigé. Révolté par cette injustice, Julien commença ce que j’appellerai sa première lutte personnelle. Il se lança dans la bataille des idées. Il renoua des contacts avec certains de ses anciens amis.
De ces contacts naquit un journal à tendance idéaliste qui ne devait paraître que trois fois, en parti supprimé par le pouvoir en place, en parti supprimé par la trahison des gens qui entouraient Julien qui, sous le couvert d’un accord de principe sur ses idées, détruisaient ces mêmes idées au profit d’un pseudo « réalisme politique ». Déçu par cette expérience, Julien traversa une crise, intense. Heureusement que nous étions là, surtout Helena, cela permit à Julien de se redresser et de ne pas succomber au désespoir. De nouveau fort, mais plus humble, après quelques repos, Julien retrouva une place dans un secteur industriel très à la mode, l’électronique. Les jours coulèrent paisiblement et auraient pu continuer ainsi si la force des choses n’avait pas voulu faire que l’inflation gagne l’Europe tout entière. Dès cet instant, Julien ne fut plus le même. Il allait vivre des jours fantastiques, l’action était là et c’était un homme d’action. Les grèves paralysaient le pays. 
 
 

Table des Écrits


ECRINS
 
  
- Un chant d’ailleurs.
 
- Qui était Julien Valti ?

 
  

Le Pecq
20/03/1983
06/03/1985
26/01/2003

2019
Vincent Thierry

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